De nos jours, les systèmes de notation occupent un rôle central au sein de l’économie.
Petits et gros commerces sont constamment évalués sur les plateformes d’échanges en ligne.
Les avis, les retours des clients ont de tous temps impactés la réputation et par conséquent le succès d’un acteur économique. Avec l’avènement d’internet au cours des précédentes décennies, le bouche-à-oreille a vu son importance significativement chuter.
Cela s’explique par le fait que désormais, la réputation d’un commerce, y compris local se bâtit avant tout en ligne.
L’e-réputation se construit à coup de commentaires ainsi que d’avis clients sur les produits et/ou les services proposés.

Cette évolution technologique amène son lot de nouvelles problématiques.
En premier lieu, l’anonymat qui va de pair avec l’utilisation d’internet permet-il de garantir un certain gage de qualité quant aux avis clients ? Des avis non-justifiés sont-ils en mesure de mettre à mal une entreprise ?
À l’inverse, du fait de leur importance primordiale, certains acteurs économiques profitent-ils de cette opportunités pour gonfler artificiellement leur réputation afin d’engendrer succès économique ?
Cela pourrait se manifester par le biais de faux avis positifs qui noieraient les avis laissés par d’authentiques clients.
Le rôle de la note d’aujourd’hui est-il purement dans le but d’éclairer la vision des utilisateurs sur un service ou sur une offre, ou bien ces plateformes d’échanges visent-elles d’abord à tirer un maximum de profit du système ?
Enfin dans le cas où ces pratiques s’avèreraient répandues, il serait légitime de questionner l’importance que devrait occuper ces notations au sein de notre société par rapport à la place qu’elles occupent actuellement.
Par ailleurs, si l’on s’intéresse de plus près aux conséquences de ces notations à l’échelle de l’individu, on peut se demander si cela est sans conséquences.
On peut aisément imaginer que l’employé se sachant constamment noté pourrait développer un stress voire même de l’anxiété supplémentaire, cela va-t-il de pair avec une augmentation de la satisfaction client ? Est-ce un mal nécessaire pour améliorer le bien-être du consommateur ?
Les questions précédentes englobent la problématique implicite suivante :
Du fait que le service proposé par l’agent économique fasse part de la note attribuée par les utilisateurs des plateformes d’échange en complément de la partie occupée par le produit, y a-t-il un risque que les employés prennent personnellement les critiques qu’ils reçoivent tandis qu’elles sont censées porter seulement sur le travail qu’ils fournissent ?

Ces questions sont susceptibles de poser plusieurs problèmes que ce soit d’un point de vue, économique, social ou même technique.
Tout d’abord, penchons-nous sur le pourquoi de la nécessité de ces systèmes de notations en ligne.
L’e-commerce s’est développé car la diversité de l’offre proposée en magasins physiques est restreinte. Internet offre un choix quasi-infini de produits au consommateur.
Prenons en exemple un individu lambda souhaitant acheter un produit sur un site de vente en ligne. Du fait de la diversité des produits sur le marché, l’individu peut se trouver dans une paralysie du choix, il ne sait plus par où commencer au vu de l’abondance de produits répondant tous au même besoin.
Le premier critère de sélection porte sur la confiance que l’utilisateur porte dans un revendeur, a-t-il déjà commandé sur tel ou tel site ? Son expérience personnelle intervient alors dans le choix de la plateforme d’échange.
Vient alors le choix du produit. Là, il n’y a pas de place à l’expérience personnelle, l’individu doit se fier au ressenti des autres consommateurs. S’il passait par le biais d’un magasin physique, il pourrait se fier aux recommandations d’un vendeur.
Son premier réflexe est donc de regarder les notes données par d’autres consommateurs qui ont acheté ce produit, il va se référer à ces avis pour constituer son propre choix. Cet homme sera donc influencé dans son choix et choisira le produit qui a satisfait le plus de clients, c’est-à-dire, le produit qui a la meilleure note.
En partant de cet exemple et en le transposant à plus grande échelle, c’est l’économie d’une entreprise qui fluctue positivement ou négativement en fonction des notes et des avis laissés sur leurs produits. Un faux pas peut donc entraîner la chute du chiffre d’affaires d’une entreprise et remonter la pente peut s’avérer difficile surtout lorsqu’on sait que 88% des individus consultent les avis clients en ligne avant un achat.
Cette omniprésence de la notation a ainsi amené certaines dérives : les faux-avis.
Que ce soit pour descendre un concurrent ou bien améliorer sa réputation, les faux-avis sont légions.
Comme l’ont montré les rédactions de France Télévisions ainsi que de BFMTV, une économie parallèle est née de la demande des vendeurs de faire gonfler leur e-réputation.
De nombreux vendeurs peu scrupuleux remboursent ainsi la totalité du prix de leur produits à des consommateurs en l’échange d’avis positifs à 5 étoiles. Des pages facebook dédiées permettent aux vendeurs de rentrer en contacts avec les consommateurs pour faciliter ces échanges. Ainsi d’après une enquête menée par le site américain BuzzFeed, 9% des avis Amazon semblent non-authentiques.
La plateforme marchande a multiplié les tentatives pour endiguer le problème par le biais d’actions en justice contre les sites, pages Facebook permettant ces échanges mais aussi en durcissant les conditions concernant la publication des avis, sans succès.
Cela constitue un véritable fléau
Une enquête d’OpinionWay commandée par PagesJaunes a montré que pour 86% des internautes, il est difficile de distinguer les vrais avis des faux.
On peut ajouter une critique portant sur les plateformes marchandes.
Sur Amazon, du fait de la nature du site rendant possible l’échange entre un client et une multitude de revendeur pour un même produit il existe deux types d’avis :
Les avis portant sur un produit : c’est ceux que l’on a en tête quand on parle des avis Amazon, il sont directement associés à la fiche produit qui est la même pour la totalité des revendeurs dudit produit
Les avis portant sur un revendeur : méconnus du grand public, il est possible d’évaluer les revendeurs pour relever leur fiabilité, service, etc...
Ce fonctionnement est source de nombreux problèmes.
Au moment de noter un produit, l’écrasante majorité des acheteurs prennent en compte le service inhérent au vendeur.
Or, tous les vendeurs se partagent la même fiche produit, ainsi certains sont pénalisés par la faible qualité du service de leurs concurrents.
Les conséquences sur le chiffre d’affaires s’avèrent non-négligeable lorsque l’on a en tête que selon le produit, un produit noté 5 étoiles peut se vendre 4 à 5 fois plus qu’un produit noté “seulement” 4 étoiles.
Dans le milieu de la restauration, de l’hôtellerie, du service, les faux-avis publiés sont davantage négatifs. Les compensations offertes pour les produits achetés n’étant pas transposables à un commerce dont le volume est limité.
Ces derniers peuvent provenir de concurrents mal intentionnés ou bien de clients mécontents souhaitant nuire à l’activité de l’agent économique.
Et cela n’est pas sans impact sur les opportunités, les revenus et le mode de vie des personnes derrière ces commerces. On peut dans ce cas prendre en exemple les répercussions des mauvaises notes des chauffeurs Uber. En effet, les chauffeurs Uber peuvent se voir désactiver leur compte pour une note inférieure à 4,5/5. Il y a également un risque que la notation d’un service soit influencée par l’avis que la personne qui note a sur la personne réalisant le service (noter la sympathie du médecin au lieu de noter la qualité de la consultation qu’il a réalisé, dans l'hypothèse où l’on se juge apte à évaluer la qualité d’un professionnel de santé en tant que particulier).
